Les méandres de la démoustication …
Car la protection de l’environnement c’est aussi la protection de la santé, nous allons aujourd’hui parler de la démoustication et de certaines problématiques qu’elle entraîne à la Réunion.
La dengue, son spectre plane telle une menace sur les habitants de La Réunion, et chaque année on nous ressasse qu’elle sera encore plus vigoureuse et dangereuse que l’année précédente. Comme beaucoup d’épidémies elle mute et se renforce au bout de quelques cycles. On lui trouve un vaccin et à la saison suivante on reprend les mêmes et on recommence.
A la Réunion la problématique de la dengue ne date pas d’hier, pourtant on y a pris un retard conséquent en matière de lutte. En effet, la réaction à chaque épidémie est toujours la même : une bonne dose de démoustications à base d’un produit décrié, la DELTAMÉTHRINE, modérément toxique pour l’homme lors d’une seule exposition (la chronicité de l’exposition n’a pas sérieusement été étudiée, donc toutes les sources disant que ça n’a pas de conséquences chroniques seront à lire avec précautions et doutes)
Selon l’INRS voilà l’étiquette du produit :
DELTAMÉTHRINE
Toxique
Danger pour l’environnement
Danger
H301 – Toxique en cas d’ingestion
H331 – Toxique par inhalation
H410 – Très toxique pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme
Nota : Les conseils de prudence P sont sélectionnés selon les critères de l’annexe 1 du règlement CE n° 1272/2008
Rappelons que l’INRS c’est l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles en France. Je laisse donc votre ressenti réagir en lisant les adjectifs de cette étiquette.
Ce produit est dans sa catégorie le plus toxique et écotoxique, sa DL50 est de 95 mg/kg sur le rat. Mais que signifient ces valeurs barbares ?
La DL50 est la dose létale pour que 50% de la population animale testée meure. Elle s’exprime en masse de substance par Kg de l’animal. Elle dépend de la race de l’animal mais elle est le plus souvent déterminée sur une population de rats. Plus la dose létale est faible, plus la substance est toxique.
Donc pour la deltaméthrine, il en faut 95 milligrammes par kilo de l’animal pour que 50% des rats meurent. (même pas 0,01g pour ceux qui ont du mal avec les conversions). La densité de la deltaméthrine étant de 0,5 il faut un tiers d’une goutte de deltaméthrine pour tuer un rat d’un kilo. Combien de gouttes de deltaméthrine il y a t-il dans un pulvérisateur ? Beaucoup !
Il est difficile de dire ou d’assurer que lors des préparations pour les démoustications les dosages soient d’une précision parfaite pour diminuer au maximum les risques de toxicités par inhalation. Il serait intéressant d’en connaitre le protocole et les concentrations exactes et de s’assurer de leur respect et de leur homogénéité sur l’île. Ce que l’on sait, c’est que lorsque ce produit est pulvérisé par les fameux camions de démoustications sa concentration dans le solvant est bien plus élevée que celle des pulvérisations « manuelles » par des agents mobiles. (pourquoi d’ailleurs?)
Bref vous l’avez compris ce produit présente un risque sanitaire, pas assez pris en compte par les autorités, et le risque environnemental est encore plus élevé. Chez les abeilles la DL50 par contact est de 0,0015 à 0,051 µg/abeille et DL50 par voie orale de 0,049 à 0,079 µg/abeille (oui micro gramme par abeille est pas par kilo d’abeilles… c’est beaucoup plus élevé), les poissons, reptiles et autres insectes ne sont pas en reste car ce produit est très toxique pour eux. Il ne faut donc pas s’étonner si les carpes des bassins meurent après une opération de démoustication, ou que les abeilles subissent de gros dégâts, RIP les insectes du jardin, margouillat et endormis…
Venez ensuite me parler de mesures de prévention pour sauvegarder l’environnement, ou d’études d’impact environnementale obligatoire dès qu’on bouge un petit doigt, tout cela me parait bien hypocrite. Je suis prêt à parier que si il fallait faire une étude d’impact environnementale pour chaque utilisation de la deltamétrhine l’avis reviendrait défavorable.
Alors d’un côté on a la menace sur la santé humaine de la dengue et de l’autre la menace d’un produit toxique pour l’homme mais qui ralentit le vecteur de propagation de l’épidémie.
Si l’on faisait un simple bilan écologique le résultat serait sans appel. Toxique pour l’environnement (eau, air, sol, traces dans les plantes, fruits légumes, animaux, mortalité, dégradation en des composés encore plus toxiques…) c’est plié ce produit devrait être mis au rebus. Mais voila, de l’autre coté il y a aussi le risque de dengue, et sa menace pour la santé infantile ou pour les personnes fragiles. Quoi qu’on en dise l’humain prime et il faut trouver des solutions efficaces pour lutter contre les foyers de dengues et donc de moustiques.
Ce qui doit être mis en évidence aujourd’hui c’est que ce n’est pas en dispersant des produits toxiques que l’on va résoudre le problème des moustiques. Il y aura toujours des foyers, il y aura toujours des cours en friche, et un point sur lequel on ne communique pas, c’est que comme tout insecticide les moustiques peuvent développer des résistances. Depuis 2015 on sait que la résistance des moustiques aux insecticides pyréthrinoïdes (la deltaméthrine en fait partie) menace les programmes de lutte anti-vectorielle à l’échelle mondiale. (source : serveur de thèses interdisciplinaires https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01321595/)
Donc pourquoi persister à utiliser un produit dangereux et toxique pour l’homme et son environnement s’il devient chaque année moins efficace ? Pourquoi ne pas appliquer les méthodes de démoustication que d’autres pays ont appliqués et qui sont à la fois efficaces et sans danger ? Voilà où est notre retard et notre défaillance. Subissons nous une procrastination administrative, effective et exécutive pour contrer des menaces sévères ? Il y a t-il une désinformation minimisant la toxicité des produits utilisés ?
A côté de ça on préfère donner des autorisations sous forme d’arrêtés à des agents pour démoustiquer même sur une propriété privée sans le consentement des personnes… Vraiment étrange sur un plan strictement juridique qu’on puisse donner un tel droit. La propriété privée en France jouit dans tel statut qu’il est très difficile de la bafouer. Des juristes pourraient sans difficulté démonter un tel arrêté. Pour information, il existe au niveau national une grand nombre d’arrêtés préfectoraux qui chaque année sont annulés par la plus haute autorité de la justice car non conformes au droit Français.
De quel droit peut on rentrer chez les gens pour y disperser un produit toxique sans savoir si dans une maison il y a des personnes malades ou avec des difficultés respiratoires ou encore des bébés? Comment est il possible que l’on puisse exposer les animaux d’une personne à ces produits soit par la contrainte soit sans son avis. Grand nombre de photos montrant des animaux morts ont circulé sur les réseaux sociaux (poissons, endormis, tortues…)
Si demain il arrivait un problème de santé grave suite à l’inhalation par un bébé ou par toute autre personne après le passage d’une démoustication, qui tiendra t’on pour responsable ?
Alors une fois encore, les solutions alternatives existent, n’en déplaise aux (ou à) importateurs de deltaméthrine et au marché juteux que ça doit représenter vu la fréquence des opérations de démoustications.
Alors on fait quoi ?
On se met au travail, on remplace les personnes négligentes et incompétentes au sein des structures qui sont censées gérer ces risques, on lance des programmes de recherche (pas seulement pour rechercher, mais pour trouver) pour adapter les solutions de stérilisations des moustiques, pour remplacer les produits toxiques par des pièges sans dangers pour la santé et l’environnement (oui ça existe et il y a même des fabricants français) et puis fournir des pièges à mettre dans les jardins ou sur les terrasses sera mieux perçu et mieux accueilli par les habitants que de rentrer chez eux de façon illégale pour y disperser des produits toxiques.
Maintenant il reste à chacun de s’exprimer pour faire valoir ses droits et faire entendre sa voix, et au mieux s’organiser au sein d’une entité qui s’emploiera à régler le problème. Espérons que les élus de chaque communes saisiront les autorités sanitaires pour faire changer cette situation dangereuse pour leurs administrés.
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